150 ANS D'ART AU MUSÉE RÉATTU À ARLES

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Publiée le lun 05/03/2018 - 01:00 / mis à jour le mar 15/03/2022 - 14:27

A l’occasion de l’anniversaire de ses 150 ans d’ouverture publique, le musée Réattu revient aux origines de sa vocation : celle d’un monument devenu une institution dédiée aux beaux-arts et à la création contemporaine, qui forge sa singularité au sein d’une ville au patrimoine exceptionnel.

Quelque soit l’époque, la ville d’Arles a en effet toujours eue une propension naturelle à produire un patrimoine d’exception.
Ses monuments romains et romans (classés au patrimoine mondial de l’UNESCO), son prestigieux héritage provençal sublimé par Frédéric Mistral, son lien organique avec la Camargue ou sa passion pour la tauromachie n’ont jamais cessé d’exciter l’imaginaire des artistes : hier Vincent van Gogh, Paul Gauguin, Pablo Picasso, Jean Cocteau ou Lucien Clergue ; aujourd’hui Pierre Alechinsky, Christian Lacroix ou Franck Gehry.

En dépit de sa taille modeste, le nombre et la qualité de ses institutions culturelles est remarquable : le musée départemental de l’Arles antique, le Museon Arlaten, la fondation Van Gogh, le festival des Rencontres d’Arles, la fondation LUMA... Au coeur de ce foisonnement culturel inouï, le Musée Réattu endosse le rôle de musée des beaux-arts sans en porter toutefois le nom, préférant conserver celui de l’ancien maître de maison, Jacques Réattu. La dimension humaine de ses bâtiments, sa situation au sein d’un paysage fascinant ainsi que son attachement à la création in situ, font du musée Réattu un lieu atypique, à l’identité forte et multiple.

Le Musée

Un monument prestigieux

Installés à Arles dès le début du XIIe siècle, les Hospitaliers de l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem – plus connus aujourd’hui sous le nom de chevaliers de l’Ordre de Malte – ont marqué en profondeur le paysage social, économique et culturel de la ville jusqu’à la Révolution française. Après les premières fondations dans le faubourg de Trinquetaille – un hospice, une commanderie et une église, tous disparus depuis – c’est à l’abri des remparts de la ville que les chevaliers s’installent au XIVe siècle, dans un quartier près du Rhône. Ils y refondent l’ancienne commanderie de Saint-Thomas, formant le noyau de ce qui deviendra au XVIIe siècle le Grand Prieuré de l’Ordre de Malte en Provence, situé à l’origine à Saint-Gilles-du-Gard.
La Provence, qui fait partie des huit Langues constituant l’organisation de l’Ordre de Malte en Europe, représente alors sur un territoire s’étendant de Toulouse à Genève. Elle est la plus ancienne à avoir été instituée et comprend un nombre important
de commanderies qui dépendent en bonne partie du Grand Prieuré d’Arles. Réaménagés et embellis au cours des siècles, le Grand Prieuré – classé au titre des Monuments Historiques depuis 1958 – et la commanderie mitoyenne de Saliers constituent l’un des plus importants ensembles d’architecture gothique, Renaissance et classique d’Arles. Ces bâtiments chargés d’histoire, faits de salles tantôt intimes tantôt grandioses, de cours, de loggias et d’une chapelle, constitueront l’écrin du futur musée.

Un lieux magnétique

Édifié dans la courbe du grand Rhône, au point exact où l’axe de la coulée du fleuve rejoint sur la carte le Cardo de la ville antique – à deux pas des Thermes de Constantin – l’ancien Grand Prieuré de l’Ordre de Malte a toutes les données d’un lieu magnétique.
Faisant corps avec le quais, exposé à l’intensité lumineuse du ciel, à la force tumultueuse du courant et à la puissance parfois combinée du mistral et de la tramontane, l’édifice donne le sentiment, lorsqu’on le traverse de l’intérieur, d’un navire à l’ancre intimement lié à ce paysage mouvant, qui n’a cessé d’inspirer tous ceux qui l’ont pensé, habité, arpenté et nourri... C’est aussi dans cette orientation géographique et dans cette dédicace au fleuve que le musée a puisé une partie de son histoire.

 

Les origines d'un musée

Vendus comme biens nationaux à la Révolution, la commanderie de Saliers et le Grand Prieuré sont acquis lot après lot par le peintre arlésien Jacques Réattu. Au sein de la commanderie de Saliers, qu’il appelle affectueusement « Sa maison », il installe son atelier en tête-à-tête avec le Rhône et ses appartements privés, qui servent d’écrin à ses collections de peintures, dessins, sculptures et objets d’art.
À sa mort, c’est sa fille unique Élisabeth qui hérite de l’ensemble. Mariée à Pierre Grange, avec qui elle n’aura pas d’enfant, elle décide de tout léguer à la Ville d’Arles. Le 10 mars 1868, bâtiments et collections entrent ainsi dans le patrimoine arlésien. Les époux Grange en tirent une confortable rente viagère, avec pour contrepartie d’ouvrir leur maison une fois par mois ou une fois par semaine au public. Ils posent ainsi les bases du « musée Réattu », qui sera officiellement institué musée des beaux-arts d’Arles à la mort d’Élisabeth en 1872.

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Musée Réattu
Musée Réattu

Les Collections

Art ancien

C’est autour de l’oeuvre de Jacques Réattu que se constitue donc le premier fonds du musée. Victime d’une période trouble de l’histoire de France, Réattu vend peu d’oeuvres et achève peu de commandes officielles. Dans les dernières années de sa vie, il fait aussi rapatrier certaines de ses oeuvres dans sa maison arlésienne, entreprise que sa fille Élisabeth perpétuera.
C’est pourquoi la très grande majorité de sa production se trouve à Arles : plus de 300 dessins, des oeuvres majeures de sa formation à l’Académie et à Rome – La mort de Tatius, La justification de Suzanne, La vision de Jacob –, de grandes compositions mythologiques ou allégoriques – Prométhée, les six grisailles du Temple de la Raison de Marseille, La mort d’Alcibiade – ainsi que toutes les études préparatoires aux projets de décors commandés à la fin de sa vie.
Réattu a aussi laissé à la Ville une collection de peintures et de dessins des XVIIe et XVIIIe siècle – Meiffren Conte, Louis Galloche, Antoine Coypel, François-Marius Granet – qui témoigne de ses goûts personnels mais aussi de ses relations privées : en témoignent les oeuvres léguées par son oncle Antoine Raspal (dont le célèbre Atelier de couture à Arles) et La Prédication de saint Jean-Baptiste dans le désert offerte par son ami François- Xavier Fabre. Au sein de cette collection, une oeuvre brille d’un éclat particulier : lors de son séjour romain, Réattu fit l’acquisition d’un splendide portrait de jeune homme caravagesque, qui l’accompagna tout au long de sa vie. Il ne sut jamais qu’il s’agissait d’une oeuvre du grand peintre français Simon Vouet, auquel le portrait fut finalement attribué en 1946.

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Ossip Zadkine (Vitebsk, 1890 – Paris, 1967), L’odalisque, 1932, bois polychrome
Ossip Zadkine (Vitebsk, 1890 – Paris, 1967), L’odalisque, 1932, bois polychrome

Art moderne et contemporain

La fin du XIXe siècle et la première moitié du XXe siècle marquent une période de relatif sommeil pour le musée, qui conserve alors son accrochage d’origine : 495 peintures, dessins, sculptures et objets d’art réparties dans six salles. Peu d’acquisitions notables viennent enrichir les collections. La seconde guerre mondiale est en revanche catastrophique pour l’institution des bords du Rhône : le Grand Prieuré est fortement endommagé par les bombardements alliés de 1944 et les collections, évacuées d’urgence, auront du mal à se remettre des conditions de conservation plus que précaires qui leurs sont infligées.
Des travaux de restauration sont lancés par le conservateur en place, Jacques Latour, mais sa mort prématurée en 1956 donne un coup d’arrêt au projet. Il n’est repris qu’à l’arrivée d’un nouveau conservateur, Jean-Maurice Rouquette, qui assurera par la suite, et pendant près de quarante ans, la responsabilité de l’ensemble des musées et monuments de la ville. Les bâtiments se relèvent petit à petit, mais le musée est toujours privé d’une partie de ses collections historiques. C’est donc en faisant le pari de faire revenir les artistes au musée, par le biais d’une politique inédite d’expositions temporaires, que le musée va renaître.
Les premiers artistes vivants à réoccuper les salles du musée Réattu en 1953 furent Jean Lurçat – qui venait de redonner un sang neuf à l’art de la tapisserie – et le sculpteur Ossip Zadkine, invité à exposer une sélection de ses sculptures. L’Odalisque offerte par le sculpteur sera la première oeuvre d’art contemporain à entrer dans les collections depuis des années. Ce goût pour la sculpture se prolonge avec l’exposition consacrée à Germaine Richier, invitée en 1963 à peupler le musée de ses créatures fantastiques.

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Arman (1928-2005), Accumulation de tenailles, 1978. Don de l'artiste en 1984.
Arman (1928-2005), Accumulation de tenailles, 1978. Don de l'artiste en 1984.

C’est aussi autour de la question du dessin, si essentielle dans l’oeuvre de Réattu, que les collections vont se renouveler. En 1957, Pablo Picasso est invité par Jean-Maurice Rouquette et son complice, le photographe arlésien Lucien Clergue, à exposer une sélection de dessins des soixante dernières années. Cette exposition contribue à réactiver les liens que l’artiste a toujours entretenus avec Arles, liens d’autant plus profonds que s’y croisaient sa passion d’Andalou pour la corrida et plus essentielle encore, la présence de Vincent van Gogh, la plus obsédante de ses figures tutélaires. C’est d’ailleurs l’année suivante, à Vauvenargues, que Picasso entreprendra la série des huit portraits de Jacqueline en Arlésienne, écho amplifié des Arlésiennes réalisées en 1912 puis à nouveau en 1937, avec cette fois Lee Miller comme modèle, qui, pas plus que Jacqueline, n’a à aucun moment revêtu le costume, mais puise aux jaunes virés des portraits de Madame Ginoux de Van Gogh. Revenant au musée en 1971 pour une exposition de ses dessins les plus récents, Picasso scellera définitivement son attachement à Arles en offrant une suite de cinquante dessins que l’on appelle depuis, non sans fierté, « Les Picasso d’Arles ». A partir des années soixante-dix, c’est dans les salles romanes du cloître de l’église Saint-Trophime que des artistes de renommée internationale – Arman, César, Pol Bury, Toni Grand, Bernard Pagès etc. – viennent construire des sculptures souvent monumentales. Tous laisseront une trace de leur séjour arlésien en offrant des oeuvres au musée, enrichissant la collection de sculpture d’oeuvres remarquables.

Parallèlement, la collection de peinture et de dessin contemporain trouvent de nouveaux développements grâce à l’acquisition d’oeuvres importantes de Pierre Alechinsky, Pierre Buraglio, Jean Degottex, Evelyn Ortlieb, Carmen Perrin, Mario Prassinos, Germaine Pratsevall etc. Certains artistes, comme Albert Ayme ou Max Charvolen, font écho au syndrome obsessionnel d’une société arlésienne qui avait ignoré le génie créateur de Vincent van Gogh en multipliant les hommages et les clins d’oeil au peintre hollandais. Une réponse à l’absence d’oeuvre autographe de Van Gogh à Arles sera néanmoins trouvée en 1983 lorsque la Ville lance une souscription publique afin d’acquérir un précieux document : une lettre adressée à son ami Paul Gauguin, témoignage émouvant de leur expérience arlésienne commune.

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Edward Weston (Highland Park, 1886 – Carmel, 1958), Nude, 1936, épreuve argentique, don de Jerome Hill, 1965
Edward Weston (Highland Park, 1886 – Carmel, 1958), Nude, 1936, épreuve argentique, don de Jerome Hill, 1965

Photographie

Une voie nouvelle s’ouvre en 1965 pour le musée lorsque, sur les conseils de Lucien Clergue, Jean-Maurice Rouquette s’engage dans la constitution d’une collection dédiée à la photographie. Cette initiative, la première du genre entreprise par un musée des beaux-art en France sur le modèle américain, préside à la collecte du premier noyau de la « Section d’Art Photographique » inauguré le 8 mai 1965. Grâce aux dons d’une quarantaine d’artistes et de collectionneurs, les noms des plus prestigieux photographes de leur temps s’inscrivent sur les cahiers d’inventaire : Ansel Adams, Willy Ronis, Edward Weston, Robert Doisneau et bien d’autres.

Lieu central de conservation et d’exposition de la photographie à Arles, le musée Réattu pose ainsi les fondements de l’identité photographique de la ville, qui se développe en 1970 avec la création du festival des Rencontres Internationales de la Photographie, puis en 1982 avec l’installation de l’unique école nationale supérieure de photographie en France. A l’occasion des Rencontres, ce sont des centaines de photographes, maîtres reconnus comme jeunes praticiens, qui affluent chaque été dans la cité rhodanienne. Qu’ils aient été invités à exposer, à diriger des stages ou à concourir pour des prix, nombreux sont les photographes – Édouard Boubat, Imogen Cunningham, Judy Dater, Jean Dieuzaide, Gisèle Freund, Jean-Claude Gautrand, Luigi Ghirri, André Kertesz, Marc Riboud, Willy Ronis, Jean-Loup Sieff, Agnès Varda etc. – à avoir laissé à Arles un témoignage de leur passage par le biais de dons au musée ou au festival (systématiquement déposés au musée depuis 2002). Ils contribuèrent ainsi à fixer sur pellicule la mémoire des Rencontres et enrichir de manière conséquente le patrimoine photographique de la ville.

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Édouard Boubat, Lella, Bretagne, 1948, dépôt des Rencontres d’Arles, 2002
Édouard Boubat, Lella, Bretagne, 1948, dépôt des Rencontres d’Arles, 2002
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Edward Weston (1886-1958), Cabbage Leaf, 1931. Don Jérôme Hill, 1970.
Edward Weston (1886-1958), Cabbage Leaf, 1931. Don Jérôme Hill, 1970.

Ouverte à toutes les techniques et pratiques de la photographie, c’est plus particulièrement dans l’approche plasticienne du médium que le département photographique du musée Réattu cultive aujourd’hui sa singularité. L’acquisition au milieu des années 80 d’oeuvres photographiques d’artistes ne se définissant pas comme photographes a contribué à favoriser le croisement des disciplines au sein des collections permanentes, notamment à travers le lien entre photographie et sculpture que cultive des artistes comme Georges Rousse – qui installa ses constructions éphémères dans les locaux désaffectés de l’ancien hôpital van Gogh en 1989 puis dans le musée en 2006 – Pascal Kern et ses «Icônessculptures», Ton Zwerver et Jan Svenungsson et leurs pièces uniques qui contrarient le caractère reproductible de la photographie.

C’est aussi autour du lien entre photographie et architecture que la collection se développe en continu, notamment par le biais de commandes. La ville d’Arles devient un sujet photographique à part entière, un terrain de jeu que de nombreux photographes, parfois sur commande, ont arpenté : Jerry Uelsmann et ses photomontages surréalistes, Arthur Tress et ses Shadows hantant les monuments arlésiens, Mimmo Jodice et Vasco Ascolini et leurs images métaphysiques, Jacqueline Salmon et Corine Mercadier et leurs séries poétiques sur les lieux les plus singuliers d’Arles.

Enfin, c’est dans le questionnement des techniques photographiques et de la magie de l’apparition de l’image que la collection trouve de nouvelles perspectives, en favorisant des artistes pour lesquels la photographie est un matériau à part entière : des périphotographies de Patrick Bailly-Maître-Grand aux photocopies et scanners de Katerina.

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Pablo Picasso (Malaga, 1881 – Mougins, 1973), Le peintre et ses modèles, 27 janvier 1971, encre de Chine et lavis sur papier, don de l’artiste, 1971
Pablo Picasso (Malaga, 1881 – Mougins, 1973), Le peintre et ses modèles, 27 janvier 1971, encre de Chine et lavis sur papier, don de l’artiste, 1971

Les artistes phares

Les Picasso d'Arles

Deux ans avant sa mort, Picasso fait donc un cadeau miraculeux au musée : un ensemble soigneusement choisi de cinquante sept dessins, tout juste éclos, très représentatifs des longues séries qu’il réalise à cette époque et marqués par une extraordinaire fièvre picturale. Une sorte de journal du peintre, «écrit» à main levée, à la craie, au feutre, à l’encre, où trois thèmes se conjuguent en d’innombrables variations : l’Arlequin, le Peintre et son modèle, et surtout la haute figure du Mousquetaire, moitié hidalgo / moitié matador, fascinant autoportrait final. L’étude de cette série de dessins révélera ensuite qu’au-delà du souvenir de Rembrandt, de Velázquez ou du Greco, Picasso avait à ce moment invité dans son théâtre personnel aussi bien les échos de la grande fête gitane vécue à Arles que le maintien sévère des Chevaliers de Malte. Un don «historique» à plus d’un titre, qui redonnait une nouvelle vie aux collections et qui sera complété en 1985 par le portrait de la mère du peintre Maria Picasso Lopez (1923) donné par Jacqueline Picasso, puis par le Portrait de Lee Miller en Arlésienne (1937) déposé par l’État en 1990.

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Jacques Réattu
Jacques Réattu

Jacques Réattu, arelatensis

Jacques Réattu, né à Arles en 1760, entre en 1775 à l’académie royale de peinture et de sculpture, se destinant à une carrière de « Peintre d’histoire ». Cette ambition passe par l’obtention du Grand Prix de Rome, auquel il participe dès 1782.
Il n’obtiendra le succès tant espéré qu’en 1790. Malheureusement, le contexte politique ne lui permettra pas de séjourner comme prévu quatre années dans la capitale pontificale. Ce séjour sera néanmoins l’occasion pour lui de réaliser sa première oeuvre à discours révolutionnaire Prométhée protégé par Minerve et élevé au Ciel par le Génie de la Liberté dérobe le feu.
De retour en France en 1793, il séjourne d’abord à Marseille où il obtient en 1795 la commande pour le décor du Temple de la Raison de huit tableaux monumentaux « peints en grisaille » à l’imitation de bas-reliefs illustrant les idéaux révolutionnaires. Après avoir acquis en 1796 la commanderie de Saliers il revient définitivement à Arles en 1798. Il s’attachera par la suite à acheter la totalité des lots du Grand Prieuré de l’Ordre de Malte attenant.
À partir de 1802, Jacques Réattu se consacre à la gestion de son patrimoine foncier. Il ne reprend ses pinceaux qu’à partir de 1819 pour entamer l’une des périodes les plus productives de sa carrière avec de grands projets de décors pour les théâtres et hôtels de Villes à Marseille, Nîmes et Lyon.

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Van Gogh

Vincent Van Gogh, l'éternel absent

En février 1888, le peintre hollandais, à la recherche de la lumière du Midi, découvre Arles, où il séjourne jusqu’en mai 1889. Malgré la pauvreté, la solitude et un internement à l’Hôtel Dieu, c’est à Arles que la couleur et la lumière de ses toiles trouvent leur expression la plus forte et la plus personnelle. Sa palette s’oriente vers une plus grande intensité des tons et des rapports chromatiques. On y ressent l’exaltation, la tension et l’angoisse de cette période fiévreuse au cours de laquelle 200 tableaux – parmi les plus célèbres de l’artiste – et presque autant de dessins et de lettres voient le jour.
Aucune oeuvre de l’artiste n’est pourtant restée dans la région. Seule une lettre manuscrite adressée au peintre Paul Gauguin en 1889 est conservée au musée Réattu. De ce rendez-vous manqué avec l’histoire, le musée Réattu a toujours préféré faire un sujet de réflexion, invitant notamment les photographes – Georges Rousse, Alain Fleischer, Jochen Gerz – à arpenter les lieux immortalisés par le peintre.

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Pierre Alechinsky

Pierre Alechinsky, un artiste contemporain en Provence

Propriétaire d’une maison-atelier dans les Alpilles, Pierre Alechinsky fait partie de ces artistes nordiques tombés sous le charme de la lumière provençale qu’avait en son temps célébré Van Gogh. De l’artiste, le musée acquiert d’abord Érosion éolienne (1988), paysage mouvementé semblant traversé par le souffle du mistral, ainsi que Soleil tournant (1987), oeuvre réalisée par l’estampage d’une plaque d’égout dénichée dans les ruelles arlésiennes. Ville chthonienne profondément attachée au passé prestigieux que renferme son sous-sol – et que la plaque d’égout, symbole devenu solaire pour Alechinsky, connecte directement à la surface – Soleil tournant inaugura un principe créatif que l’artiste allait développer ensuite dans le monde entier. Le don de Niveau d’eau I (2013-2014), synthèse parfaite du travail de peinture et d’estampe de l’artiste belge, est venu parfaire cet ensemble en 2015, dans une dédicace discrète au Rhône.
C’est enfin à la tradition tauromachique qu’Alechinsky rend hommage en 1996 en offrant les 15 peintures intitulées Al Alimon (1980-1981), suite magistrale sur l’univers taurin, réalisées « mano a mano » avec son ami le peintre mexicain Alberto Gironella.

Lucien Clergue, photographe et militant

C’est à la force de conviction de Lucien Clergue que le musée doit son département photographique. Aujourd’hui constituée de plus de 5 000 numéros, la collection n’a cessé de grandir au rythme et à la faveur d’un engagement sans faille au service d’un art dont l’arlésien fut l’un des plus brillants ambassadeurs. Il contribua aussi de manière importante à l’enrichissement du fonds avec près de 360 dons de tirages couvrant toute sa carrière. La ville d’Arles lui a en retour régulièrement rendu hommage, par le biais de plusieurs expositions importantes et a fait en 2017 l’acquisition de 10 photographies prises lors du tournage du Testament d’Orphée de Jean Cocteau (1959), venant rappeler l’amitié qui liait le poète et le photographe.
Photographe autodidacte, grand militant de sa pratique, à l’origine d’une collection publique mais aussi des Rencontres d’Arles comme de la création de l’École nationale supérieure de la photographie, Lucien Clergue ira jusqu’à imposer la photographie au monde universitaire, soutenant une thèse d’esthétique saluée par Roland Barthes. En guise d’apothéose, il présidera en 2013 l’Académie des beaux-arts de l’Institut de France, où il occupa l’un des deux sièges dédiés à la photographie.

Christian Lacroix, artiste et commissaire d'exposition

Arlésien de naissance, Christian Lacroix entreprend tout d’abord des études d’histoire à Montpellier puis à Paris, à l’école du Louvre, se destinant à une carrière de conservateur des musées. Son intérêt pour la question du retour des modes dans l’histoire du costume montre pourtant déjà un tropisme marqué pour le monde de la mode, qui trouvera son aboutissement dans le succès retentissant de sa maison de couture, créée en 1987. Menant en parallèle une brillante carrière de costumier pour le théâtre et l’opéra, de designer et de décorateur, il reçoit en 2008 une invitation à investir, sous la forme d’une carte blanche, l’intégralité des bâtiments du musée. L’exposition Musée Réattu, Christian Lacroix, dont le retentissement fut international, a imprimé durablement sa marque dans l’esprit du musée, qui s’inspire depuis de sa science du mélange des genres et des époques.
L’artiste perpétue depuis son lien d’amitié avec le musée en lui déposant des oeuvres : des toiles de robes haute couture en 2009, puis soixante sept dessins datés des origines de la maison de couture en 1987 jusqu’à son départ en 2007.

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