6 anecdotes sur les musées de Provence à connaître

Publiée le jeu 07/05/2020 - 02:00 / mis à jour le mar 15/03/2022 - 16:44

Distanciation oblige, la lorgnette (ou longue-vue) est un instrument de choix. Alors, prenons-la par le petit bout et allons observer les détails insolites cachés dans nos musées…

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musée grobet labadié marseille

Détail inspirant, détail clef de signification, détail ornemental ? L’art est finalement affaire de détails. Qui n’a pas collé son nez à une toile afin d’en admirer le trait de pinceau ? Qui n’a pas cherché la signification de ce petit objet incongru caché au coin de ce tableau ? Qui n’a pas apprécié le fouillé du trait qui donne au portait la profondeur d’un vrai regard ?

Nous vous dévoilons quelques anecdotes sur six de nos musées de Provence. Détails cachés, détails fondateurs, au sein des œuvres ou qui ont animé les artistes : munissez-vous de votre lorgnette et embarquez.

Jeu d’orteils au musée Granet à Aix-en-Provence

En entrant dans le musée Granet, une toile nous accueille. Du premier palier du bel escalier, Jupiter impose sa superbe au visiteur. Ingres a peint Jupiter et Thétis, oeuvre monumentale de 3,27 m de haut sur 2,60 m de large, en 1810. Elle met en scène la nymphe Thétis, qui implore la clémence du dieu des dieux pour son fils Achille. Hiératique, immense et brun, Jupiter contraste avec la petitesse de la jeune femme, sa souplesse et sa blancheur laiteuse. Tout semble les séparer, Jupiter restant impassible à la main tendue de Thétis. Impassible vraiment ? Un discret contact entre leurs orteils est désigné par le sceptre du dieu sculpté en bas-relief. Une jonction faussement innocente qui suggère la dimension charnelle que la toile s’efforce d’occulter…

Des feuilles au Mucem à Marseille

Jusqu’au 30 août 2020, le Mucem déploie en ligne un abécédaire floral, composé à partir de ses collections. Parmi les végétaux qui font évidemment écho au jardin des Migrations du Fort Saint-Jean, l’acanthe. Dans la mythologie grecque, Akantha était une nymphe qui se refusa au bel Apollon et le griffa. Pour la punir, il la métamorphosa en une plante épineuse, aux feuilles profondément découpées, qui porte désormais son nom. Détail de choix, l’acanthe est omniprésente dans les arts décoratifs, véritable star des motifs ornementaux empruntés à la nature. Ces élégantes arabesques s’enroulent délicatement sur les chapiteaux des colonnes antiques, comme au Temple romain de Château-Bas à Vernègues, mais aussi sur les meubles de la Renaissance. C’est aussi elle qu’on retrouve sur les services de table, déclinée en version bleue par les maîtres faïenciers.

L’élégance est dans le détail au musée Grobet-Labadié à Marseille

Ce bel hôtel particulier, véritable vitrine des goûts bourgeois du XIXème, présente les riches collections de la famille Grobet-Labadié, notables marseillais et amateurs d’art. Sa réouverture date de 2019. Expression d'une société ou signe emblématique d'une personne, le portrait, représentation de la figure humaine, est un genre profondément enraciné dans la culture occidentale. Marie Grobet collectionnait avec affection portraits de femmes et de petites filles, qu’elles soient paysannes, ouvrières ou bourgeoises… Les peintres s’attachent alors à ces détails qui font la particularité de la mode de l’époque : rubans, rubines, frous-frous, nœuds, dentelles, plumes, fleurs, autant de coquetteries qui ornent les robes, les corsages et les cheveux. Portraits anonymes ou peintres célèbres, une invitation à découvrir les accessoires de mode du XVIII et XIXème siècle.

Le secret de l’Angélus aux Carrières de Lumières aux Baux-de-Provence

Jusqu’au 3 janvier 2021, les Carrières de Lumière, aux Baux de Provence s’illuminent des œuvres de Dali. De quoi voir en grand les détails de ses œuvres ! Parmi celles-ci, l’Angélus. Dali est fasciné par cette toile de Millet, jusqu’à en peindre plus de 80 versions différentes et y consacrer un livre en 1963. Il voit intuitivement dans la toile originale, plus qu’une simple prière dans les champs. Obstiné à en savoir plus, il fait analyser la toile par le musée du Louvre qui, après avoir passé la toile aux rayons X, révèlera la présence d’une petite forme rectangulaire, probablement un cercueil d’enfant, situé entre les deux personnages. Le recueillement prend alors un tout autre sens. Dali avait percé à jour ce que Millet avait finalement choisi de cacher, mais pourquoi ?…

Du réversible au musée de l’Empéri à Salon-de-Provence

Au Musée d’Art et d’Histoire militaire de Salon-de-Provence, on peut admirer une rare veste de la fin du XVIIIème siècle, entièrement réversible. Bleue d’un côté et rouge de l’autre, elle permettait d’assurer deux fonctions, commissaire et inspecteur, en « retournant sa veste » ! Sous la Révolution et le Directoire, les commissaires de guerre sont chargés de l’administration, l’intendance et la logistique de l’Armée. Décriés par les soldats pour leur honnêteté relative, ils sont surnommés "Riz-Pain-Sel". Dès 1800, les commissaires assurent la distribution des vivres, habits, chauffage pour les soldats en campagne, et les inspecteurs aux revues effectuent le contrôle des dépenses. Petit détail pour la touche d’élégance à la française : la tenue est brodée de feuilles de laurier stylisées en fils d’argent rappelant les missions d’approvisionnement des commissaires…

UN FIL D’AUTEUR AU FRAC MARSEILLE

Peut-on trouver plus infime qu’un zeste de citron ? Et pourtant, c’est bien ce petit morceau d’agrume qui est à l’origine de l’œuvre de Bruno Di Rosa à voir dans le cadre de l'exposition Des marches, démarches.
D’un exemplaire des Rêveries du promeneur solitaire de Rousseau, un fil se tire, emportant les mots comme sur un film, allant s’enrouler sur sa bobine. L’artiste et écrivain Bruno Di Rosa y exprime la découverte d’une écriture horizontale, autre que celle des romans, une écriture sans événement, sans suspens, où l'intérêt réside dans l'enchaînement des phrases et non dans le sujet développé. Pourquoi Rousseau ? C’est lui qui, dans un de ses ouvrages, a livré son admiration pour un auteur ayant fait tout un livre sur un zeste de citron, livre, qu’il aurait aimé écrire. «C'est pour rendre compte de ce geste, régulier et dépassionné, de la main qui se donne et s'abandonne que j'ai fait ce travail.» Bruno Di Rosa Les rêveries du promeneur solitaire, 1995

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