L'ART ET LA MANIÈRE DES GRANDS MAÎTRES DU XVIIIE

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Publiée le lun 03/12/2018 - 01:00 / mis à jour le jeu 29/07/2021 - 02:00

L’Art et la Manière, dessins français du XVIIIe siècle est une présentation inédite organisée par le musée des Beaux-Arts de la Ville de Marseille, de plus de 150 dessins des grands maîtres du XVIIIe siècle français, conservés dans ses collections et celles du musée Grobet-Labadié, du 23 novembre 2018 au 24 février 2019.

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L’Art et la Manière, dessins français du XVIIIe siècle
Charles Parrocel Paris, 1688 – Paris, 1752 Etude de tête masculine

Leur extrême sensibilité à la lumière ne leur permettant pas d’être présentés en permanence, les dessins comptent parmi les oeuvres les plus secrètes des musées. L’exposition l’Art et la Manière, dessins français du XVIIIe siècle est une occasion unique de découvrir des dessins des plus grands maîtres français du XVIIIe siècle.
De Watteau à David, en passant par BoucherVan LooFragonardVernetVincent, c’est effectivement tout l’art du Siècle des lumières qui est évoqué dans sa florissante diversité.

L’exposition qui aborde tous les genres, histoire, mythologie, scènes de genre, portraits, paysages est une façon de découvrir aux côtés des grands noms, l’étonnant foisonnement d’artistes qui ont participé à cette période exceptionnelle de création pour les arts graphiques. L’exposition et le catalogue qui l’accompagne mettent également à l’honneur les personnalités de la scène artistique méridionale qui entre Marseille, Aix et Avignon ont contribué par leur talent au rayonnement des arts du dessin.

Pour la première fois, est présenté le dessin de Louis Chaix, dessinateur dans les ruines du Colisée que l’Association pour les musées de Marseille vient d’acquérir et offrir au musée des Beaux-arts de Marseille.

Un siècle, deux collections

La cohérence de l'exposition du musée Grobet reflète le goût pour le XVIIIe siècle français que la donatrice Marie Grobet partage avec les grands collectionneurs de son temps.

Celle du musée des Beaux-Arts est plus éclectique et traduit la diversité des sources d’enrichissement traditionnelles des musées : au côté des grandes collections, celle des Borély, entrée en 1869, ou de Jules Cantini en 1917 dans lesquelles le dessin tient une plus ou moins grande place, sont venus de nombreux dons ou legs, d’héritiers d’artistes, d’amateurs ou de véritables collectionneurs qui ont donné à cet ensemble son visage particulier.

Contrairement à celle du musée Grobet, la collection des Beaux-arts présente l’avantage de n’être pas close et de s’être enrichie dans la seconde moitié du XXe siècle d’oeuvres qui témoignent des nouveaux centres d’intérêt du musée, notamment celui de rendre compte de la richesse de la création artistique en Provence.

Académies

Qu’il soit peintre ou sculpteur, le dessin est au coeur de la formation de tout jeune artiste qui y aura consacré de longues séances au cours de ses années d’apprentissage (Vincent, Jeune homme dessinant sur ses genoux). La connaissance de l’anatomie est primordiale.

L’étude du nu, appelée académie, se fait sur le modèle vivant, ou d’après la bosse, c’est-à-dire d’après des moulages. Pour que les élèves de la nouvelle école de dessin de Marseille, puissent étudier d’après les meilleurs exemples, son directeur, Dandré Bardon, envoie depuis Paris où il réside, 21 académies de la main des plus grands maîtres de l’Académie royale où il enseigne. Une seule est conservée aujourd’hui dans les collections marseillaises, celle de Oudry.

Portraits d’une époque

De De Troy à David, les collections du musée des Beaux-Arts et du musée Grobet retracent le foisonnement d’un siècle d’histoire du portrait en offrant tout l’éventail des aspects qu’a pu revêtir cette forme majeure de la hiérarchie des genres, depuis le stade de l’étude d’un tableau qui exprime encore le visage du modèle, (Vien, Tête d’évêque), jusqu’au portrait au pastel, si proche par ses effets d’un tableau, (Bernard portrait de femme en bleu).

Outil irremplaçable de la transmission de l’image de l’individu, le portrait dessiné sera particulièrement recherché par les collectionneurs amoureux du XVIIIe siècle comme Marie Grobet.
Dans le portrait d’apparat (De Troy étude pour le portrait de Jules Hardouin Mansart) comme dans la caricature où excelle au détriment de ses amis le peintre Vincent (Portrait d’un amateur), le dessin scrute toutes les dimensions de la figure humaine nous ouvrant une fenêtre unique sur toute une société, depuis le travailleur des rue (anonyme, ouvrier plâtrier couvreur hâlant une corde), jusqu’à l’illustre Maréchal Berthier, (David, Étude pour la Distribution des Aigles).

Une école de dessin pour Marseille

L’académie de peinture et de sculpture de Marseille et son école de dessin créée en 1753 est au coeur de la vie artistique marseillaise de la seconde moitié du XVIIIe siècle. L’enseignement qui y est dispensé doit aussi permettre de fournir les industries marseillaises, notamment celles de faïence, en bons dessinateurs aptes à recopier des modèles (modèles pour assiettes à décor de poissons et coquillages d’Antoine Bonnefoy). Si elle met en avant sa mission de formation, elle est aussi un lieu d’échanges entre artistes et académiciens, marseillais ou d’ailleurs.

La plupart des artistes actifs dans la région ont été en rapport avec cette institution, qu’ils en soient à l’origine et y enseignent la sculpture comme Jean Michel Verdiguier, ou le dessin comme David de Marseille, qu’ils y aient été élèves, comme Jean-Baptiste GiryJoseph Foucou, Louis Chaix, ou Constantin.

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Louis Chaix Aubagne 1744 - Paris 1810 Dessinateur dans les ruines du Colisée
Louis Chaix Aubagne 1744 - Paris 1810 Dessinateur dans les ruines du Colisée

Rome encore et toujours

Avec le renouveau de l’intérêt pour l’antique qui se développe dans les arts à partir de 1750, l’Italie et Rome demeurent la terre d’élection et d’inspiration pour les artistes et pas seulement pour les heureux lauréats du grand prix qui devenaient pour quelques années pensionnaires de l’académie royale dans la Ville Eternelle, comme Clérisseau ou David.

Ils sont nombreux à faire par eux même le voyage qu’ils estiment indispensable à leur formation. De BoissieuValenciennes, les provençaux, CosteLouis ChaixConstantin, dont les dessins sont présentés ici, y auront tous fait un séjour qui jouera un rôle primordial dans leur carrière.

Ils copient l’antique, (David, Char romain, Coste, autel romain ), vont dessiner les ruines les plus célèbres comme celles du Colisée ( Constantin, La grande arche, Louis Chaix, Dessinateur dans les ruines du Colisée).

Ils représentent aussi les évènements de la vie de la Rome moderne (Desprez, Exposition du Saint Sacrement à la chapelle Pauline au Vatican) et les paysages de la campagne romaine (Boissieu, Bord du Tibre près de Rome).

Les deux vues de la Rome antique et moderne de Valenciennes expriment cette fascination pour la grandeur antique disparue dont l’héritage est repris par la ville contemporaine. Cette séduction de la ruine, donnent naissance à d’innombrables compositions poétiques sur le thème du temps qui passe et de la gloire passée dont témoignent ici les oeuvres de DemachyLelu ou Clérisseau.

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